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Si tu savais… Lettres à l’ado que j’ai été — Ivan

0 23 septembre 2025

Si tu savais... Lettres à l'ado que j'ai été est un projet né du désir d’offrir de l’espoir, l’idée d’un présent et d’un avenir lumineux aux membres de nos communautés ou en questionnement. Une douzaine de nos bénévoles se sont livré·es par le billet de lettres écrites de leur main pour l’enfant ou l’ado qu'iels ont été. Si leurs récits s’adressent d’abord à ces jeunes d’hier, nous croyons qu’ils sauront également résonner chez celles et ceux d’aujourd’hui et de demain. 

Cher Ivan de 15 ans, 

Si tu savais comme l’amour que tu ressentiras pour un homme te rendra plus fort et plus humain. Si tu savais combien cet amour ne sera pas un fardeau qui t’écraseras les épaules ou une tache de honte, mais un vrai cadeau. 

Je sais que tu te crois intelligent. Tu es ouvert d’esprit, précoce et engagé, n’est-ce pas? Tu as réussi ton intégration tel un bon immigrant. Maintenant que tu as changé d’école et que tu t’es défait de ton épinglette de nouvel arrivant, c’est bon, tu peux respirer.  Tu es un étudiant comme les autres et, progrès non-négligeable, on te comprend quand tu parles français! Tu peux tisser des liens d’amitié même hors des cours d’anglais. Tu peux argumenter. Tu as appris à défendre tes idées en trois langues. Tu as des opinions. 

C’est excellent, bravo!  

Tu as aussi des préjugés, Ivan. C’est normal; on en a tous. Tout le temps. 

Dans ton cas, tes préjugés les plus forts sont par rapport à toi-même. La liste est longue et tu la connais bien, même si de manière un peu inconsciente : Qui tu dois être. Comment tu dois agir. Comment tu dois vivre. Qui tu dois aimer. 

Aujourd’hui, certaines choses sont comme tu les as prévues et d’autres non. Ce qui est drôle, c’est que ce sont précisément les choses qui divergent de tes plans qui t’ont le plus fait grandir comme personne.  

Prenons un exemple, juste comme ça, au hasard.  

Ton plan d’épouser une femme, tiens. Tu veux avoir une épouse, trois enfants (biologiques) et un chien. Tu es attiré par les hommes et par le corps masculin, mais ce n’est pas important maintenant. Tu aimes aussi les femmes, la fémininité et tout est plus facile si tu n’ouvres pas l’autre porte. Tu as des copines et tu en es content, fier même. Génial! Profites-en parce que tu en auras d’autres. 

Pourtant, c’est seulement lorsque tu auras un copain que tu apprendras vraiment à aimer. 

C’est dommage pour toutes ces premières copines, Ivan, mais je t’assure que tu ne sais pas encore comment écouter ou comment verbaliser tes émotions. Tu as le désir d’aider les gens autour de toi, mais tu es maladroit sans le savoir. Tu sais comment accueillir quelqu’un qui est vulnérable, mais tu ne sais pas comment faire preuve de vulnérabilité toi-même. Lorsque tu seras en couple avec un gars, tu l’apprendras. 

En fait, c’est précisément dans la relation avec un homme que tu trouveras cet amour que tu idéalises tant. Vous passerez vos soirs à regarder des films, discuter de la vie et planifier des voyages. Il fera partie de ta famille. Il sera meilleur pote avec ton frère. Vous discuterez de mariage et d’enfants (je n’y suis pas encore rendu, mais on s’approche!). Vous serez des alliés, des amants et des amis. 

Je ne te mentirai pas : ce ne sera pas toujours facile. 

Tes parents vont dire des bêtises. Tu cacheras des relations de tes amis. Des membres de ta famille vont te décevoir. Tu te sentiras mal compris. Tu te sentiras perdu. 

Je me répète, je sais, mais ces difficultés aussi feront de toi une meilleure personne. Tu seras plus à l’aise avec les intempéries de la vie parce que tu auras vécu des intempéries en toi-même. 

Pardonne-moi l’impulsion de personne plus âgée, mais j’ai envie de te donner encore deux conseils.  

Premièrement, prends ton temps. 

Tu vivras beaucoup de choses et tu auras souvent trop hâte. La vie est longue et tout viendra en son temps. 

Deuxièmement, sois indulgent avec toi-même.  

Tu as le droit de douter ou de ne rien comprendre de toi-même. C’est excellent d’avoir des objectifs, mais les exigences que tu t’imposes te causeront plus de mal que de bien. 

Après toutes ces réflexions, je t’avoue, Ivan, que j’espère que tu commettras toutes les erreurs que tu dois commettre. Sinon, tu ne seras pas moi. Et je suis bien content que tu le sois devenu. 

– Ivan

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