Si tu savais… Lettres à l’ado que j’ai été — Marie-Louise
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20 novembre 2025
Si tu savais... Lettres à l'ado que j'ai été est un projet né du désir d’offrir de l’espoir, l’idée d’un présent et d’un avenir lumineux aux membres de nos communautés ou en questionnement. Une douzaine de nos bénévoles se sont livré·es par le billet de lettres écrites de leur main pour l’enfant ou l’ado qu'iels ont été. Si leurs récits s’adressent d’abord à ces jeunes d’hier, nous croyons qu’ils sauront également résonner chez celles et ceux d’aujourd’hui et de demain.
Bonjour ma très chère Marie-Louise,
Si tu savais en ces jours de profond désespoir toute la résilience qui t’habite. Je sais, tu ignores encore que ton nom sera Marie-Louise. Une puberté déjà bien entamée semble confirmer le diagnostic général : il y a une perversité qui t’habite. Malheureusement, tu t’es approprié ce mensonge même si l’entièreté de ton être le rejette.
Tu vis à une époque trop dure pour la merveilleuse personne que tu es. Comment faire ? Ton corps évolue au masculin et, tous les jours, tu pleures la mort de la femme en devenir que tu es. Il n’y a pas de mot autour de toi pour exprimer la profondeur de ce qui est ressenti. Tout ce qui t’entoure dénigre la richesse de ta personnalité.
Ce même vocabulaire qui te détruit, tu l’utiliseras pour trouver un sens à tout ça. Aujourd’hui, je peux te l’affirmer : ce que tu ressens à ton sujet, ce n’est pas une anomalie. Tu n’es pas une personne détraquée sexuellement. Ton identité de genre est féminine. C’est tout !
Sache que tu n’es pas une monstruosité comme tu as tendance à le percevoir. Il n’y a seulement pas encore une façon de nommer correctement cette réalité. Tu es tout excepté une erreur ! Il n’y a que de la honte et du désespoir qui t’habitent et, pourtant, il y a tant de beauté et de grandeur en toi.
Ne te juge pas trop durement. C’est légitime de ne pas vouloir s’exposer à la violence que l’ignorance provoque face à la différence. C’est légitime également de vouloir se protéger de ce qui n’est pas connu et qui génère de la peur.
J’aimerais bien te dire d’être toi-même, d’oser t’affirmer, mais à l’époque où tu vis, je crois que ça te détruirait. Je connais trop bien ta sensibilité (qui est loin d’être un défaut par ailleurs). Cependant, n'aie pas peur de ton essence : toute ta grandeur y réside.
N’abandonne surtout pas ce côté provocateur que tu as, malgré le fait qu’il va te conduire au cœur de bien des ennuis. Il bousculera les personnes qui t’entourent; seulement, à la fin, il les obligera à un questionnement qu’ils n’osent pas vivre à propos des attentes sociales liées au genre. Il sera l’affirmation du déni de ce mensonge dont tu t’es accaparée pour te permettre de survivre.
Ne perds pas de vue cette capacité que tu as d’oser. Elle te permettra de te poser de nombreuses questions. Comme tu le fais déjà si bien, n’écoute pas toutes ces personnes qui te disent que tu t’en poses trop. Se questionner, c’est parfait. C’est le début de tout. C’est la construction de la compréhension de la vie qui t’habite et t’entoure.
Pour terminer, cette passion qui t’habite, elle fait de toi un être exceptionnel. Ne la fais pas taire pour une conformité qui n’a rien à voir avec qui tu es. Tu as été dépossédée dès ton plus jeune âge de ta légitimité. Ça te place dans une position qui sera extrêmement difficile à tenir. Cependant, ça va te permettre de te démarquer dans la profondeur et l’intensité de tes questionnements qui, à la fin, feront de toi une personne d’exception.
Et si je peux te donner un dernier conseil (ce sera certainement le plus difficile à suivre pour toi) : apprends à ne pas avoir peur du plus beau qui t’habite. La peur que tu as de ton identité de genre, elle n’est pas à toi ! Ce n’est que la peur des autres personnes qui a été inscrite en toi. Elles ont cru le faire par amour, alors qu’elles ne l’ont fait que par ignorance.
Aujourd’hui, je peux te le dire sans détour : je t’aime, tu es une merveilleuse personne.
– Marie-Louise
