Si tu savais… Lettres à l’ado que j’ai été — M

^{Si tu savais... Lettres à l'ado que j'ai été est un projet né du désir d’offrir de l’espoir, l’idée d’un présent et d’un avenir lumineux aux membres de nos communautés ou en questionnement. Une douzaine de nos bénévoles se sont livré·es par le billet de lettres écrites de leur main pour l’enfant ou l’ado qu'iels ont été. Si leurs récits s’adressent d’abord à ces jeunes d’hier, nous croyons qu’ils sauront également résonner chez celles et ceux d’aujourd’hui et de demain.} 

Cher M de seize ans, 

Si tu savais la douceur des amitiés qui t’attendent et comme tu te sentiras choyé de retrouver chaque semaine les personnes de ton entourage qui te comprennent et t’acceptent tel que tu es. Crois-moi, elles sont bien plus nombreuses et inspirantes que tu ne l’avais espéré.  

Dans deux semaines, tu célébreras tes vingt-quatre ans auprès de ta famille choisie, au calme, comme tu le préfères, autour d’un brunch ou d’une recette partagée. Tu recevras des mots à garder précieusement, paroles d’affirmation sincères, écrites à la main par des ami·es sur lesquel·les tu peux toujours compter, que tu aies besoin d’un conseil, d’une oreille attentive ou simplement de quelqu’un·e qui sache comment te faire rire à gorge déployée.  

Si tu savais comme tu as raison de faire confiance à S, qui restera ta meilleure confidente et ta plus grande alliée, peu importe à quoi ressembleront les vêtements que tu porteras, le métier que tu rêveras d’exercer ou la personne dont tu tomberas amoureux.  

Quant à tes parents, iels continueront leur chemin. Si ton père fronce les sourcils ou s’emporte parfois, si ta mère te pose des questions à demi-mot, la voix vibrante d’émotion, c’est parce qu’il leur faudra sans doute encore un temps pour se départir de leurs préjugés, de leurs inquiétudes pour ta sécurité et de la vision de toi qu’iels ont construit depuis le jour de ta naissance, année après année. Néanmoins, leurs craintes leur appartiennent. Tu peux faire confiance à tes envies, écouter ta joie te souffler ce dont elle a besoin pour rester vive. Même si tu as encore l’impression de chercher à tâtons dans l’obscurité, une part de toi sait déjà qui tu es.  

Je sais qu’en ce moment, tu traverses une période un peu sombre, que ta solitude ressemble à un puits sans fond. Quand bien même tout semble s’écrouler à l’intérieur de toi, ne perds pas espoir : une vie plus douce se prépare à t’accueillir, les bras grands ouverts. Dans quelque temps, tu pourras à nouveau danser et te sourire devant le miroir, et tu découvriras le bonheur de te sentir compris, inclus dans des activités de groupe, à ta place. 

Tu apprendras à être doux avec ton corps, à l’aimer un petit peu plus chaque jour parce qu’il te permet de t’assoir pendant les longues discussions, de traverser la ville à vélo, de marcher jusqu’aux rivières. Bientôt, tu seras libre de porter ce que tu auras choisi — des chemises et une cravate tous les jours si tu le souhaites — de laisser pousser tes cheveux ou de les raser, de te maquiller beaucoup ou pas du tout, sans t’inquiéter d’être rejeté par les autres. 

Ta sensibilité est une vraie force : tu n’as pas à avoir honte des larmes qui montent ou de la pointe de tes oreilles qui rougit sous l’effet de la surprise (pleurer nettoie de l’intérieur et un peu de couleur n’a jamais fait de mal à personne). L’adulte que tu deviens est un ami discret et généreux, drôle et attachant. C’est un lecteur assidu, toujours curieux, toujours à jongler entre mille projets créatifs. Il rêve d’écrire des livres, de s’impliquer pour défendre les communautés qui lui tiennent à cœur, de trouver le courage d’exister dans le monde avec un cœur ouvert.   

Cher M, c’est aussi grâce à ces émotions fortes que tu seras capable de créer des mondes imaginaires qui touchent les autres, sur scène ou sur le papier. Ne cesse jamais de croire en tes rêves, continue à faire de l’art et à te relever lorsque des obstacles se dressent sur ta route.  

Tu n’es pas seul.  

Je t’aime et je suis fier de toi. 

– M